Pensez-vous que le miel récolté et mis en pot lors de votre dernière récolte d’été sera encore consommable, que son goût, ses qualités, son parfum et son aspect seront intacts en l’an 4 015 ? Pensez-vous que dans 20 siècles des voyageurs interstellaires se régaleront de notre délicieux miel du Finistère découvert par hasard dans la tombe d’un apiculteur de notre siècle… Y croyez-vous vraiment ? Pourtant le « miel des pyramides » en fait rêver plus d’un… le miel se conserverait des milliers d’années !
D’où vient cette légende ?
12 février 1905, Vallée des Rois, près de Thèbes, en Égypte, les égyptologues Theodore M. Davis, Arthur Weigall et Gaston Maspero, visitent pour la première fois la tombe KV46. Il s ‘agit de la tombe de Yuya et Thuyu décédés aux alentours de 1375 av. J.C.
Entre autres objets découverts dans cette tombe, il y a 2 vases en albâtre qui seront référencés 51105 et 51106. L’un de ces vases contiendrait encore du miel !
Deux ou trois jours après cette découverte, Arthur Weigal dans une lettre à son épouse rapporte ceci :
Dans un recoin il y avait des jarres de vin, avec le couvercle fixé grâce à de la ficelle ; et parmi eux se trouvait un gros vase en albâtre plein de miel encore liquide. J’ai cru défaillir à cette vue. La sensation de me retrouver en train de regarder un pot de miel aussi liquide et collant que celui qu’on prend pour déjeuner, et pourtant âgé de 3500 ans, était irréelle au point que je me demandais si j’étais fou ou en train de rêver.
Gaston Maspero, fin mars 1905, écrit ceci dans ses notes personnelles :
Un des vases que nous avions débouchés contenanit de l’huile pâteuse, un autre du miel presque liquide et qui n’avait pas perdu son parfum. Comme on l’oubliait sans couvercle sur l’une des marches de l’escalier, vers l’entrée du couloir, une gue en maraude, égarée dans la vallée des Rois, vint rôder gloutonnement autour du goulot ; il fallut l ‘écarter à coup de mouchoir pour l’empêcher de prélever sa part de ce miel butiné il y a plus de trois mille ans, par les abeilles antiques, sur les fleurs de la campagne thébaine. 29 mars 1905. (Causeries d’Égypte – p.287 – G. Maspero )
Theodore M. Davis écrit :
Des lambeaux de tissu pendaient du col d’un des vases, qui avaient servi originellement à en couvrir l’ouverture. À l’évidence, le pillard espérant y trouver un contenu de valeur l’avait arraché. 3000 ans plus tard, je regardai dans le vase avec le même espoir ; nous avons été tous deux déçus, il contenait seulement un liquide que nous avons tout d’abord pris pour du miel, mais qui s’est finalement avéré être du natron.
Ce dernier témoignage indique qu’il ne s’agit pas de miel, ce qui sera vérifié en 1908. Ces éminents égyptologues n’ont pas eu l’idée de goûter ce produit pour vérifier qu’il s’agissait de miel, ils se sont contentés de la visite d’une guêpe curieuse près du vase.
La tombe avait originellement été ouverte par James Edward Quibell, absent lors des fouilles et remplacé par Arthur Weigall en tant que « Chief Inspector » et c’est celui-ci qui s’est chargé de publier le compte rendu : « Tomb of Yuaa and Thuiu » (1908).
Qu’est-ce que le natron ? C’est un minéral, abondant en Égypte, qui servait notamment lors du processus de momification. Il est en usage encore aujourd’hui, et peut servir aussi bien de lessive que pour la conservation des viandes. Il est composé principalement de carbonate de sodium hydraté et de bicarbonate de sodium.
Il s’est passé 3 ans entre la découverte de la tombeKV46 et la publication des analyses. Entre temps la
nouvelle de la découverte de miel intact depuis trois millénaires s’était répandue dans la presse, la publication des analyses en 1908 n’intéressait personne et n’a pas connu la même
diffusion.
Et, du « miel des pharaons » des tombeaux de la Vallée des Rois au « miel des pyramides », il n’y a qu’un pas dans l’amalgame…
Ne soyez pas triste, notre miel contemporain est délicieux, et à mon avis il vaut mieux le consommer et l’apprécier maintenant que dans deux mille ans.
Mais cela ne vous empêche pas d’enterrer vos pots de miel à droite et à gauche dans votre jardin ou dans votre cave dans l’espoir que des archéologues les découvrent dans quelques siècles…
Ce texte a été rédigé, voire copié, d’après le site http://irna.lautre.net/Le-miel-des-pyramides.html où vous trouverez toutes les sources de cette histoire.
Ce contenu a été publié dans Butiné ici ou là. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien